TROUS DE MÉMOIRE

CHRONIQUE PARUE LE SAMEDI 8 JUIN 2024 DANS LA PAGE « DÉBAT & OPINION » DU QUOTIDIEN « LA RÉPUBLIQUE DES PYRÉNÉES ».

CRONICA PARESCUDA LO DISSABTE 8 DE JUNH 2024 EN LA PAGINA « DÉBAT& OPINION » DEU DIARI « LA RÉPUBLIQUE DES PYRÉNÉES.

« Pour un rhume pour un rien » on tousse, nuit et jour. Rien de bien grave. Une banalité ! Hier après-midi, j’ai vu pour la première fois, une « pupa » (1) chasser le ver près de mes pieds de tomates. L’oiseau était beau comme un don inespéré que seule la nature sait nous offrir. Je me suis dit, caché : « Tè, il y en avait donc une dans les parages ! » Chaque jour amène sa surprise… Quelques gouttes, une touffeur estivale, l’orage menacerait-il ?

Quel temps fera-t-il dimanche ? Juin est indécis, comme il l’était autrefois. Hier, le ciel était laiteux. Je voterai, bien sûr. Il m’est arrivé de me décider au dernier moment. Le surmoi familial me priait poliment d’y aller, fissa ! Mes parents y veillaient. Pour eux, la démocratie n’était pas un vain mot. Ma mère avait connu Vichy, ses sales collabos, ses lois antijuives et les déportations familles juives au plus brûlant du Sahara. Aujourd’hui, l’antisémitisme n’est pas résiduel, Mossur Mélenchon. Avez-vous lu Léon Poliakov ? (2)

Mon père en connaissait le prix. Il avait débarqué sur les plages provençales en août1944 avec l’Armée B devenue 1^ère armée française puis « Rhin & Danube ». Elle était constituée de soldats provenant d’unités de l’Armée d’Afrique : magrébins, pieds-noirs, africains. Ce débarquement a joué un rôle primordial dans la défaite allemande. Qui le sait ? Qui le dit ? Il semble qu’il n’ait guère intéressé les gouvernements successifs de la France, même Charles De Gaulle l’ignorait. 19 ans, papa nage sous le feu allemand, sa barge s’est arrêtée loin du rivage. « Nombreux se sont noyés sans combattre ! » m’avait-il dit. J’avais quatorze ans, et celle histoire me semblait tenir du cinéma américain. Il traverse la vallée du Rhône, démine, ponte. Il est gravement blessé aux combats de la poche de Colmar, en novembre 1944. Sa brigade est décimée.

Cette mémoire encore vive chez moi, l’est beaucoup moins pour nombre de mes contemporains. En revanche, aujourd’hui, je n’entends que plaintes et ressentiment. Certains sont à leur crise de nerfs en suspens, d’autres à leurs velléités révolutionnaires, d’aucuns à leur « je-m’en-foutisme » habituel. Notre belle et déespérante humanité ! Les jeunes seraient abstentionnistes. Qu’ils pensent à leurs arrière-grands-pères, soldats et résistants, qui ont bouté l’ignominie nazie hors du pays.

1. Huppe.

2. Histoire de l’antisémitisme, Seuil -Points Essais n°143 et 144, 1991.